CENTRES DE DONNÉES : UNE COURSE AU POUVOIR À L'ÈRE DE L'IA
Avec le boom de l’IA, la demande pour les centres de données et les solutions d'énergie verte qui les alimentent a explosé au niveau mondial, faisant peser d'importants risques sur le marché de l'immobilier commercial. À terme, l'IA pourrait faire diminuer les besoins en espaces de bureaux, la demande en logements étudiants, la densité de population dans les villes et l'attrait des baux à long terme et des emplacements de second ordre. Mais l'ampleur et la rapidité de ces répercussions sont encore incertaines.
Ce qui est indéniable, c'est que la demande d'IA et de services de cloud a déclenché une course mondiale pour les capacités de centres de données. Au premier trimestre 2024, les volumes de location mondiaux ont dépassé 1 800 mégawatts, soit une multiplication par sept en seulement trois ans.3 La croissance ne montre aucun signe de ralentissement, les locataires louant des campus entiers et non plus des bâtiments individuels. Cette tendance est accentuée par la quête de souveraineté numérique des gouvernements, c'est-à-dire la capacité de contrôler des données, des logiciels et du matériel critiques. En revanche, l'offre d'électricité limitée devient une contrainte croissante pour le développement de centres de données dans le monde.
Les centres de données joueront un rôle déterminant dans les portefeuilles des investisseurs dans les années à venir. Ce sont des infrastructures essentielles, qui offrent aux investisseurs la possibilité de tirer parti de la croissance de l’IA en tant que fournisseurs des plateformes d’IA sans avoir à parier sur les grands gagnants de la technologie d’IA.
LOGISTIQUE ET ENTREPÔTS : LA DEMANDE SÉCULAIRE SOUTIENT LA CROISSANCE À LONG TERME
La démondialisation et l’e-commerce continueront selon nous d'alimenter la croissance soutenue à long terme dans les secteurs des entrepôts et de la logistique. Si la géopolitique aura certes une influence sur la demande, les sites logistiques liés aux tendances de démondialisation, notamment l’e-commerce, semblent bénéficier d'une trajectoire de demande plus fiable (voir Figure 2).
Figure 2 : La croissance du commerce en ligne se poursuit
En Europe, la demande ralentit mais les loyers continuent d’augmenter. Les investisseurs sont une nouvelle fois nombreux à privilégier les biens logistiques, qui peuvent en effet offrir un plancher face aux taux de capitalisation élevés que l'on connaît aujourd'hui.
Dans la région Asie-Pacifique, les ventes en ligne devraient passer d’environ 20% des ventes totales en 2021 à près de 40 % d’ici 2026.4 En outre, la démondialisation continue d'accentuer les tendances à la relocalisation dans des pays proches (nearshoring) et à la délocalisation amicale (friendshoring). Le Vietnam et l’Inde bénéficieront de la délocalisation de la production des entreprises chinoises, tandis que la relocalisation pourrait profiter au Japon et à la Corée du Sud.
Aux États-Unis, la demande industrielle reste positive, malgré un ralentissement de l'absorption nette au cours des six derniers mois, le premier trimestre 2024 étant le plus faible depuis 2012.5 Les nouvelles livraisons ont atteint un pic, bien que certains marchés de la Sun Belt affichant des barrières à l'entrée moins élevées assimilent une vague d'offre susceptible de donner lieu à une période prolongée de disponibilité accrue, en particulier pour les grandes propriétés industrielles ; ces dernières années les promoteurs se sont concentrés sur les projets de plus de 9 000 mètres carrés.
HABITAT COLLECTIF : FORTE DEMANDE, MAIS REPRISE RETARDÉE AUX ÉTATS-UNIS
Les perspectives mondiales pour les immeubles d'appartements sont globalement positives dans un contexte de forte demande structurelle.
En Europe, les loyers ne cessent de grimper. L’offre limitée, contenue par des coûts de développement élevés et des réglementations environnementales plus strictes, se heurte à une demande croissante à mesure que la formation des ménages s’accélère et que la migration vers les grandes régions métropolitaines se poursuit.
Dans la région Asie-Pacifique, les prix et les loyers se raffermissent alors que l'offre est légèrement insuffisante. La flambée des prix des logements et la migration urbaine des jeunes stimulent la demande. Les évolutions démographiques, et notamment la tendance à former une famille sur le tard et l’augmentation du nombre de monoménages, augmentent les besoins de location longue durée. De plus, l'intérêt croissant pour la vie en communauté et l’accès aux commodités a stimulé la croissance des espaces résidentiels et de cohabitation thématiques dans la région.
Aux États-Unis, les perspectives à court terme sont légèrement moins favorables. Le secteur de l'habitat collectif connaît une offre record de nouveaux biens : le nombre d'appartements achevés l'année dernière s'est élevé à 583 000 unités, du jamais vu depuis 40 ans.6 Cette poussée de l'offre a fait grimper les taux d'inoccupation et, avec la hausse des taux de capitalisation, a entraîné une baisse des valeurs de marché de plus de 25-30 %. Si les fondamentaux de la demande à long terme des locataires demeurent solides dans l'habitat collectif – d'autant que la hausse des taux entrave plus encore l'accessibilité au logement –, ces pressions à court terme laissent entrevoir davantage de difficultés pour le secteur prochainement.
Une stabilisation du marché américain dans son ensemble est probable pour 2026. Les mises en chantier ont baissé avec la hausse des coûts et le resserrement des conditions de financement. La croissance se concentre sur la Sun Belt, région qui comprend les États du sud des États-Unis. Elle abrite la moitié de la population du pays, et selon les projections, ses afflux migratoires domestiques et internationaux devraient alimenter l'essentiel de la hausse de la population américaine entre 2024 (335 millions) et 2054 (373 millions).7
BUREAUX : DES VENTS CONTRAIRES, MAIS PAS PARTOUT
Les perspectives mondiales restent difficiles pour l'immobilier de bureau. La demande et les prix d'équilibre sont contenus partout dans le monde, et les valorisations restent sous pression alors que les prêteurs et les propriétaires de biens immobiliers commerciaux cherchent à réduire leur allocation à ce segment. La part des bureaux dans les portefeuilles institutionnels mondiaux d’immobilier commercial est passée de 35 % en 2022 à 29 % aujourd'hui,8 et de nouvelles baisses sont sans doute à prévoir.
Au niveau régional en revanche, les perspectives sont partagées. En Europe, la demande de bâtiments verts de haute qualité dans les quartiers d’affaires de premier ordre est relativement saine. La tendance au travail à domicile est moins enracinée dans de nombreuses régions d’Europe, en partie parce que les travailleurs vivent généralement en centre-ville dans des logements plus petits et ont accès à un meilleur réseau de transports en commun. Les locataires y sont généralement plus stables dès lors que la diversité linguistique, monétaire et réglementaire du continent complique les délocalisations d'entreprises. Il est important de noter que les réglementations énergétiques auront probablement pour effet de réduire considérablement l’offre existante, car de nombreux immeubles de bureaux auront du mal à répondre aux exigences de plus en plus strictes imposées en la matière en Europe.
Dans la région Asie-Pacifique, la demande de bureaux dans les quartiers d'affaires reste globalement proche des niveaux de 2021. Cela s'explique par la taille généralement plus petite des appartements, les temps de trajets plus courts et une culture de travail au bureau demeurant mieux ancrée qu'en Occident. Comme en Europe, la demande est la plus forte dans les quartiers d'affaires, en particulier pour les bâtiments offrant des équipements pour « live, work, play » (y vivre, y travailler, y avoir des loisirs) (voir Figure 3).
Aux États-Unis, la demande de bureaux reste à la traîne par rapport à la création d'emplois en raison d'une tendance à la réduction des coûts dans le secteur privé et à la généralisation du télétravail. Sur ce marché, nous nous attendons à ce que les prix et les loyers continuent de baisser (à l'exception des immeubles de classe A+), car les capitaux privés restent prudents et les taux de capitalisation globaux ne cessent d'augmenter.
Figure 3 : Télétravail : les États-Unis en tête
CONCLUSIONS : SAISIR LES OPPORTUNITÉS DANS UN CONTEXTE DIFFICILE
Le marché de l'immobilier commercial est à un tournant, confronté à des difficultés considérables mais offrant dans le même temps des opportunités. Les taux d'intérêt élevés, les tensions géopolitiques et les inquiétudes entourant le changement climatique ont façonné un paysage complexe pour les emprunteurs et prêteurs du secteur.
Pourtant, ces mêmes pressions ouvrent également la voie à des solutions de financement innovantes et à des investissements stratégiques. Pour les investisseurs disposant des capitaux et de l'expertise nécessaires, l'environnement actuel offre des opportunités sur l'ensemble du spectre de financement, de la dette senior et mezzanine aux actions privilégiées. Des secteurs tels que les centres de données et la logistique, dopés par les tendances durables de la numérisation et du e-commerce, offrent des perspectives particulièrement séduisantes.
Résilience et faculté d'adaptation seront indispensables pour évoluer dans ce contexte tumultueux. La capacité d'identification et d'exploitation des opportunités dissimulées par la volatilité du marché sera déterminante. En se concentrant sur les thèmes à forte conviction, tels que la digitalisation, la décarbonation et la démographie, et en exploitant l'expertise étendue et la plateforme mondiale de PIMCO, les investisseurs pourront non seulement traverser la tempête actuelle, mais également prospérer au sein du paysage changeant de l'immobilier commercial. La route est incertaine mais pleine d'opportunités pour les investisseurs prêts à braver la tempête et à se lancer.
1 Source : CBRE, mai 2024↩
2 Source : PIMCO, au 31 mars 2024. Inclut les actifs gérés par Prime Real Estate (anciennement Allianz Real Estate), une société affiliée et filiale à 100 % de PIMCO et PIMCO Europe GmbH, qui englobe PIMCO Prime Real Estate GmbH, PIMCO Prime Real Estate LLC ainsi que leurs filiales et sociétés affiliées. Les professionnels de l'investissement de PIMCO Prime Real Estate LLC fournissent des services de gestion des investissements et autres par le biais de Pacific Investment Management Company LLC. Les activités de PIMCO Prime Real Estate GmbH sont distinctes de celles de PIMCO. ↩
3 Source : datacenterHawk au 31 mars 2024 ↩
4 Source : Green Street et CBRE, avril 2024 ↩
5 Source : Green Street, avril 2024 ↩
6 Source : CoStar au 17 mars 2024 ↩
7 Source : Bureau du Budget du Congrès américain ↩
8 Source : enquête sur les intentions d'investissement de la Pension Real Estate Association, 2022 et 2024 ↩